Boris Vian est né le 10 mars 1920 et mort à Paris le 23 juin 1959, lors de la projection du premier film inspiré par un de ses romans : J'irai cracher sur vos tombes. Écrivain, musicien, parolier, et membre du collège de Pataphysique, Vian est l'auteur de onze romans signés, pour certains, sous le pseudonyme de Vernon Sullivan.
« Il y aura beaucoup de gens, en Exopotamie, parce que c'est le désert. Les gens aiment à se rassembler dans le désert, car il y a de la place. Ils essayent d'y refaire les choses qu'ils faisaient partout ailleurs, et qui, là, leur paraissent neuves ; car le désert constitue un décor sur lequel tout ressort bien, surtout si le soleil est doué, par hypothèse, de propriétés spéciales. »Comme tous les matins, Amadis Dudu souhaite prendre l'autobus 975 afin de se rendre à son bureau. Mais d'étranges péripéties l'entraîneront malgré lui jusqu'en Exopotamie. Il décide alors de s'installer dans cette région désertique et entreprend la construction d'un chemin de fer. Ce projet insensé attire une foule de personnages et de situations burlesques qui vont s'entrecroiser. Boris Vian composa L'automne à Pékin en 1946, année fructueuse durant laquelle il écrivit également L'Écume des jours et J'irai cracher sur vos tombes. Dans ce roman aux cheminements multiples, Boris Vian déploie toute sa verve créatrice en explorant plus que jamais les limites du langage et l'absurdité des réalisations humaines.
Videur dans une boîte de nuit, Dan ne vit que pour Sheila, sa femme, et l'enfant qu'il a eu avec elle. Un enfant que la société acceptera parce que sa peau est blanche. Dan, lui, est noir, d'origine, sinon de peau... Toute son existence repose sur ce secret. L'irruption de Richard, son frère, qui menace de tout révéler, en même temps que sa subite attirance pour une prostituée noire, vont bouleverser la vie de Dan. Lui qui, non sans remords, a tant voulu être un Blanc, ne serait-il au fond de lui-même qu'un «nègre» ? Boris Vian - alias Vernon Sullivan - nous donne ici, à la manière de Chandler ou Hadley Chase, bien plus qu'une dénonciation du racisme. Ces pages qui firent scandale, où la violence et l'érotisme se donnent libre cours, nous conduisent au plus profond de la folie d'un être qui ne se reconnaît plus, que la pression sociale a irrémédiablement dissocié de lui-même. Une sorte d'explosion intérieure qui le poussera au meurtre...
« Sexuellement, c'est-à-dire avec mon âme », écrivit un jour Boris Vian.
Si le bouleversant roman d'amour de L'Écume des jours peut apparaître comme l'expression d'une forme de romantisme moderne, l'auteur des Cantilènes en gelée sait aussi explorer sans tartufferie les dimensions charnelles de l'amour, les ombres et les lumières du fantasme et les éclats de rire de la plaisanterie gauloise. On le découvrira ici avec ces petits chefs-d'oeuvre intitulés « La Messe en Jean Mineur », « La Marche du concombre » ou « Liberté »... C'est bien ce dernier mot, d'ailleurs, qui résume le mieux l'état d'esprit et l'idéal que traduit ici l'écrivain. La liberté d'aimer sous toutes ses formes, et de le dire face à la « conspiration des nuisibles », justement dénoncée dans « Utilité d'une littérature érotique ».
Sans doute composés entre 1939 et 1943, ces poèmes sont la première oeuvre de Boris Vian. Il devait beaucoup plus tard les reprendre, corrigeant ou supprimant certaines pièces, preuve de l'importance qu'il leur attachait.
Impertinence, humour, sens de la dérision et du pastiche: tels sont les traits les plus caractéristiques de ce poète de vingt ans. Et aussi un goût immodéré pour la rime, le calembour, le jeu verbal et prosodique - où se profile déjà le futur auteur de chansons.
Par-delà les tristesses et les émotions intérieures d'un jeune écrivain décidément surdoué, on perçoit en bien des pages les hardiesses et les amusements d'un Boris Vian résolument décidé à vivre.
C'est en 1950 que Boris Vian conçut le projet du Traité de civisme, qu'il ne cessa de modifier et d'enrichir jusqu'à sa mort, faisant dire à son biographe que ce texte peut être considéré comme son « testament intellectuel » (Noël Arnaud, Les Vies parallèles de Boris Vian). Sous des formes hétéroclites (aphorismes, notes, chroniques, etc.), l'auteur traite des grands thèmes sociaux et politiques de son siècle et propose des solutions pour un avenir meilleur. Le progrès technique, l'aliénation du travail, l'accroissement des inégalités, la guerre et les totalitarismes... Cette oeuvre, qui n'a rien perdu de son actualité, permet de découvrir sous un jour nouveau l'un des plus grands artistes du XXe siècle.
Poète, Boris Vian le fut dans bien des domaines, roman, chanson, théâtre... Mais s'il aima par-dessus tout confronter son génie propre à toutes les formes d'expression - comme le révèlent les Cent Sonnets composés durant ses études -, il livra parfois le plus intime de lui-même dans des poèmes parfaitement libres, écrits au hasard des jours pour son propre plaisir. En témoignent ces deux recueils publiés de son vivant - Cantilènes en gelée et Barnum's Digest - auxquels s'ajoutent une vingtaine de textes dits « posthumes ». L'humour noir, la provocation, la tendresse, la fantaisie verbale, la mélancolie aussi : l'auteur de L'Écume des jours se retrouve ici tel qu'en lui-même, drôle et secrètement tragique, formidablement attachant, éternellement jeune.
Cette nuit-là, Denis, le paisible loup du bois de Fausses-Reposes, s'aperçoit avec stupeur qu'il s'est transformé en homme. C'est une nuit de pleine lune, et il va vivre dans Paris des aventures singulières... Tout l'art de Boris Vian consiste à retourner ou subvertir toutes les conventions - celles de la société, celles de la littérature -, que ce soit par l'humour, la farce ou le fantastique. Ainsi, il suffit qu'un mystérieux brouillard s'abatte sur une ville (L'amour est aveugle) et ses habitants, dans l'impossibilité de se voir ou de se reconnaître, vont libérer leurs instincts sexuels au point de ne plus vouloir jamais recouvrer la vue... Mais le jeu avec l'imaginaire et le réel peut aussi déboucher sur des pulsions morbides ou homicides, ainsi qu'on le voit dans Les Chiens, le Désir et la Mort, signé «Vernon Sullivan». De la gouaille à l'absurde, de la féerie à la noirceur, le romancier de L'Ecume des jours joue ici sur toute la gamme, en treize récits brefs dédiés à l'imprévisible.
«Les Trois Baudets», «La Rose rouge», «L' Amiral», «Le Night-club» : ces cabarets illustres des années cinquante virent débuter les meilleurs chanteurs, comédiens et fantaisistes de notre temps. Boris Vian écrivit pour eux de nombreux sketches ou pièces brèves, dont les interprètes s'appelaient Jacqueline Maillan, Yves Robert, Rosy Varte ou Jacques Fabbri. Il puisa aux sources les plus diverses, donnant avec Adam, Eve et le troisième sexe une hilarante relecture de la Genèse, transportant les spectateurs de Dernière Heure au début du troisième millénaire, ou proposant, avec Cinémassacre, une étourdissante parodie des grands genres du cinéma, du réalisme italien au film d'horreur, d' «Alfred Hitchpoule» à «Cecil B. de Cent Mille»... Compositeur, dramaturge, chroniqueur, poète... Voici encore un des mille visages, à découvrir ou à redécouvrir, de l' inoubliable romancier de L' Ecume des jours.
Pour égayer Les Temps modernes, où parurent à cinq reprises ces «Chroniques du menteur», Vian proposait en particulier d'illustrer la très sérieuse revue avec des photos de pin-up. C'est sans doute pourquoi, malgré l'appui de Jean-Paul Sartre qui appréciait l'humour et l'irrévérence du jeune écrivain, sa collaboration fut de courte durée.
On apprendra dans ces chroniques comment le pape se proposait de canoniser Édith Piaf ; comment rallonger un film sans dépenser d'argent grâce à des séquences dans le noir; comment l'homme politique Édouard Herriot détourna neuf mineurs et leurs enfants «pour les manger»; comment se débarrasser des militaires, du maréchal au sergent...
Après deux chroniques refusées, Vian n'insista pas. On le jugerait aujourd'hui «politiquement incorrect». En général, c'est une preuve de sens de l'humour.
Romancier, poète, parolier, dramaturge, Boris Vian fut aussi chroniqueur de presse. C'est cette dernière facette, sans doute la plus méconnue, d'un écrivain prodigieusement fécond et divers, que l'on découvrira dans ce recueil.
Automobile, beaux - arts, littérature, variétés, mais aussi économie, sciences ou loisirs : les passions d'un homme curieux de tout sont représentées dans ces pages. Comme toujours, Vian joue ici avec brio des diverses dimensions du rire, de la satire, de la fantaisie, de l'absurde. Mais qu'on ne s'y trompe pas : si l'auteur de L 'Ecume des jours n'accepta jamais de se draper dans le sérieux, cette apparente légèreté va de pair avec un regard aigu et lucide sur son temps.Et ses jugements esthétiques - en particulier sur la chanson, où il salue à leurs débuts Brassens, Brel, Devos ou Gainsbourg-témoignent d'un goût aussi perspicace que rebelle à tous les conformistes.
La vie s'égrène mollement dans la rédaction du magazine Coeur Maître, jusqu'au jour où le responsable du courrier du coeur lance une idée géniale : trouver une demoiselle capable d'aller endormir les célibataires... la belle est trouvée, et très vite toute l'équipe tombe sous son charme ainsi que tous ceux qu'elle approche, dont un tueur en série insomniaque... Ballets, choeurs, chorégraphies de clochards, danse des robots... Mademoiselle Bonsoir est une comédie à la fois tendre et virevoltante, digne de Broadway ! overlord Mauser mène une vie de star jusqu'au mariage de sa fille qui, pour une raison fort cocasse et inattendue, décide de se venger de son père en devenant... la Reine des garces ! Qu'elles soient « reine de coeur » ou « dame de pique », les héroïnes de ces deux comédies musicales inédites font revivre le génie fantaisiste, satirique et visionnaire de Boris vian.
« Il va de soi que tout ceci ne peut finir que par la mort, et la beauté des romans vient aussi de ce que cette mort n'apparaît qu'au terme d'une très longue vie d'amour. »
Ainsi Boris Vian, deux ans avant sa propre disparition, commente-t-il l'histoire des amours de Lancelot et de la reine Guenièvre, que nous conte cet étonnant Chevalier de neige.
C'est en 1952 que les organisateurs du Festival dramatique de Normandie lui proposent d'écrire cette oeuvre, représentée l'année suivante devant dix mille spectateurs, pendant sept soirées consécutives. Une expérience que l'auteur de L'Écume des jours tente avec enthousiasme. Dans le respect de la légende arthurienne, qui voit le jeune Lancelot toucher à la sainteté après avoir traversé toutes les épreuves de la vie chevaleresque et de la passion amoureuse, il crée une forme théâtrale moderne, au rythme proche de celui du cinéma.
En 1957 à Nancy, Vian eut l'occasion de transformer son texte en livret d'opéra : un genre nouveau pour lui, dont il va entreprendre d'explorer les possibilités à travers cinq autres livrets, d'inspiration très différente, réunis dans ce volume.
" Il était amoureux du jazz, ne vivait que pour le jazz, n'entendait, ne s'exprimait qu'en jazz... " Ainsi Henri Salvador évoque-t-il son ami Boris Vian.
Dans ce recueil de plus de trois cents chroniques, parues dans Jazz Hot, Combat, Art, Jazz News, l'auteur de L'Écume des jours témoigne de cette passion née dès l'adolescence, alors qu'il allait applaudir Benny Carter ou Duke Ellington, et qui le conduisit à devenir lui-même trompettiste dans l'orchestre de Claude Abadie, puis au " Tabou ".
Il explore au fil de ces écrits tous les univers du jazz, inconditionnel des grands classiques en même temps qu'attentif à l'innovation, pourfendant plagiaires ou suiveurs avec une verve inégalable. Aucune dimension ne lui est étrangère : technique musicale, coulisses du spectacle et de la production, signification d'une musique qui, après avoir été l'expression majeure des Noirs américains, porte les aspirations et la révolte de la jeunesse française.
En même temps qu'une clef essentielle de sa personnalité et de son oeuvre, ce livre demeure une somme irremplaçable pour tous les amateurs de jazz.
Ce livre réunit quinze nouvelles, écrites entre 1946 et 1950, par le merveilleux romancier de L'Ecume des jours. On y voit un Boris Vian tout jeune explorer les voies qui assureront sa célébrité : fantaisie, truculence, dérision et absurde, dans la tradition d'un Alphonse Allais. Quels sont les vrais mobiles du meurtre d'Abel par Caïn ? Pourquoi est-il indispensable d'emmener son fiancé (ou sa fiancée) à la piscine ? Comment séduire une jeune femme qui n'aime que les hommes impuissants ? A ces questions et à bien d'autres, on trouvera les réponses au fil de ces savoureux récits dont plusieurs prennent pour toile de fond un Saint-Germain-des-Prés plein de bonne humeur et d'échos de jazz.
De 1953 à 1959, comme journaliste de jazz ou dans le cadre de ses fonctions artistiques dans l'industrie du disque, Boris Vian a écrit ou traduit - de l'américain ou de langues imaginaires - près de 150 textes qui ont été publiés au dos de pochettes de disques de pointures telles que Louis Armstrong, Duke Ellington, Miles Davis, Screamin' Jay Hawkins, mais aussi Raymond Devos, Édith Piaf, Zizi Jeanmaire et ses amis et complices Henri Salvador et Magali Noël.
Si certains de ces textes sont relativement conventionnels, ils ont au moins du style et ils reflètent à merveille la passion joyeuse
de leur auteur pour la musique et les variétés, et son respect pour le public.
Mais il y a surtout ses textes où il est en totale rupture avec les normes du genre et ses impératifs commerciaux.
Ironiques, burlesques, insolents, fous d'imagination, ils se lisent comme de courts chapitres d'un roman, qu'entre Vercoquin et le plancton et L'Ecume des jours, Boris Vian n'aurait pas eu le temps d'écrire, des passages oubliés d'En avant la zizique ou des Chroniques du Menteur qu'il aurait omis de donner aux Temps Modernes.
Leur plus grand attrait est peut-être, avec la jubilation dans laquelle ils nous entraînent, de nous montrer une fois encore que pour Boris Vian, qu'il soit romanesque, poétique, journalistique, épistolaire ou rétrodiscographique, le travail de l'écrivain ne se partage pas. Et que dans la diversité de sa création, jack K. Netty, l'un des vrais faux-auteurs qu'il s'amuse à soi-disant traduire, est juste le frère de jean-Sol Partre.
Durant l' après-guerre, la modernité est américaine. Du jazz au roman à suspense, du cinéma à la science-fiction, c' estd' outre-Atlantique que surgissent les nouveautés qui bousculent nos réflexes et nos habitudes. Le trompettiste de Saint-Germain-des-Prés, romancier de Les morts ont tous la même peau, se révèle ici à l' affût de ces modes nouveaux de la création et de la sensibilité.
Son regard sur le cinéma est celui du professionnel qu' il rêva de devenir. L' esthétique des salles, l' utilisation du jazz, la vogue de la comédie musicale, l' avenir du cinéma d'amateur: tout l' intéresse au long de ces articles et chroniques qui s' échelonnent durant sa vie d'écrivain. Pour ce qui est de la science-fiction, il n' est sans doute pas exagéré de dire que Boris Vian fut le premier en France à s' y intéresser, à la connaître à fond et à la faire connaître.
Les textes relatifs à ce genre plein d' avenir sont parmi les plus passionnants du présent recueil. Mais c' est aussi la chronique d' une époque que l' on trouvera dans ces pages : celle de Bardot et du Voleur de bicyclette, du technicolor et de la «pin up», de Saint Tropez et des débuts du festival de Cannes... Tout cela dépeint avec l'humour, la vivacité, l' inlassable générosité intellectuelle de Boris Vian.
L'intérêt de Boris Vian pour le cinéma a été précoce : dès l'Occupation, alors que le jeune écrivain n'a encore rien publié, il s'essaye à composer des scénarios. Sa rencontre avec le cinéaste Pierre Kast, en 1945, va déboucher sur de vrais projets... dont aucun n'aboutira.
C'est ainsi : alors que la chanson, le roman ou le théâtre valurent à l'auteur de L'Écume des jours de spectaculaires réussites, le cinéma ne voulut pas de lui. Il nous reste à lire ces scénarios comme des oeuvres de Boris Vian.
Fantastique avec Notre Faust, histoire d'une âme vendue au diable dans le Saint-Germain-des-Prés d'après-guerre, l'inspiration de l'écrivain se tourne vers l'espionnage avec Le Baron Annibal, la satire sociale avec L'Auto-stoppeur, et la chronique très parisienne avec Rue des Ravissantes... Mais quelle que soit la direction prise, Vian dépense des trésors de fantaisie, d'inventivité, de liberté d'esprit.