Comme il l'avait confié à Jaime Sabartés en 1939, Pablo Picasso avait rêvé d'un livre qui «serait le reflet le plus exact de sa personnalité et son portrait le plus fidèle. On y verrait exprimé le désordre qui lui est propre. Chaque page serait un vrai pot-pourri sans la moindre trace d'arrangement ou de composition. [...] Simplicité et complexité s'allieraient comme dans ses tableaux, ses dessins ou ses textes, comme dans une pièce de son appartement ou de son atelier, comme en lui-même».Dans le prolongement de ce désir, la présente édition donne à lire l'ensemble des écrits de Picasso publiés en 1989, auxquels s'adjoignent un grand nombre d'inédits découverts dans l'ancienne collection de Dora Maar, dans des collections privées et celles des musées Picasso (Paris, Barcelone). Composés au crayon noir, en couleurs, à l'encre de Chine, au stylo-bille ou encore au crayon-feutre, ces textes ornent papier à dessin, à lettres, dos d'enveloppe, cartons d'invitation, morceaux de papier journal... Certains sont même gravés, enluminés, lithographiés ou peints, ainsi élevés au rang d'oeuvre d'art.La fascination que continue d'exercer Picasso sur le public rend plus que jamais nécessaire la lecture de ces écrits, souvent méconnus et pourtant indispensables à l'appréhension et à la compréhension de son oeuvre. Cette édition bénéficie des derniers apports de la recherche en cours dans un volume en couleurs, richement illustré d'oeuvres et de manuscrits, et, à la manière d'un parcours muséal, elle permet de s'immerger au coeur du processus créatif de l'un des plus grands artistes du XX? siècle.
« il est beau comme un astre c'est un rêve repeint en couleurs d'aquarelle sur une perle - ses cheveux ont l'art des arabesques compliquées des salles du palais de l'Alhambra et son teint a le son argentin de la cloche qui sonne le tango du soir à mes oreilles pleines d'amour - tout son corps est rempli de la lumière de mille ampoules électriques allumées - son pantalon est gonflé de tous les parfums d'Arabie - ses mains sont de transparentes glaces aux pêches et aux pistaches - les huîtres de ses yeux renferment les jardins suspendus bouche ouverte aux paroles de ses regards et la couleur d'aïoli qui l'encercle répand une si douce lumière sur sa poitrine que le chant des oiseaux qu'on entend s'y colle comme un poulpe au mât du brigantin qui dans les remous de mon sang navigue à son image »
«Je ne cherche pas je trouve.» Il en est de cette phrase de Picasso comme de beaucoup d'autres («l'art nègre, connais pas», «Cézanne est notre père à tous», «au fond, il n'y a que l'amour»), tout le monde les connaît, les cherche et personne ne les trouve.Si Picasso a peu écrit sur l'art - ses écrits sont essentiellement poétiques -, il a, en revanche, beaucoup parlé, accordant de 1923 à 1975 de nombreux entretiens à des journalistes, des critiques d'art, des amis, des marchands. Il s'exprima également directement dans la presse sur des thèmes politiques, idéologiques ou humanitaires, à l'occasion de la guerre d'Espagne puis du combat contre le fascisme. La plupart de ses biographes, compagnes ou compagnons ont tenté de transcrire le plus fidèlement possible ses réflexions sur l'art ou sur les artistes.Ce livre rassemble donc, pour la première fois en français, l'ensemble des entretiens et des propos rapportés par ses proches. Il permet ainsi de se faire une idée non seulement des conceptions esthétiques de Picasso, de connaître ses goûts en matière de peinture, de sculpture et ses jugements sur le cubisme, l'art abstrait, le surréalisme, etc., mais il révèle aussi sa pensée décapante faite de coqs-à-l'âne, de paradoxes et d'ironie.
Picasso a souvent écrit des poèmes, tantôt en français, tantôt en espagnol. L'enterrement du comte d'Orgaz, qui emprunte son titre au célèbre tableau du Greco, est un long poème d'inspiration surréaliste qui a été publié à Barcelone, en 1970.Alejo Carpentier l'a traduit en français. Le texte de Picasso est suivi d'un important poème de Rafael Alberti qui est un hommage à Picasso. Il est traduit lui aussi par Alejo Carpentier. Il s'y ajoute un texte écrit en français par Carpentier lui-même, et où le grand écrivain cubain, dans une prose lyrique, résume, par un survol saisissant, toute l'oeuvre picturale de Picasso.
Publié en 1948, avec 125 lithographies de Pablo Picasso, Le chant des morts, qui devait ensuite prendre place dans Main d'oeuvre, est l'un des ensembles poétiques majeurs de Pierre Reverdy et l'un des plus singuliers puisqu'en résonance directe avec les années d'occupation, les déportations et l'ignominie des camps d'extermination. Jamais Reverdy n'avait ainsi retranscrit, dans sa langue unique, sa «magie verbale» disait André Breton, une suite aussi repérable d'événements historiques. C'est comme si la permanence du chant de Reverdy s'alliait d'un même souffle au chant si présent des morts pour une cantate trop humaine à force d'inhumanités encore et encore repérées, répétées, révélées.
En reproduisant l'édition originale, avec les lithographies de Picasso, Poésie/Gallimard poursuit sa redécouverte des grandes oeuvres qui ont vu la rencontre substantielle d'un poète et d'un peintre. Car il s'agit bien ici d'une oeuvre commune tant les traits de Picasso, d'une rare puissance répétitive, portent, propulsent, escortent les poèmes sublimes et infiniment douloureux de Reverdy.
Cette correspondance croisée entre Pablo Picasso (1881-1973) et Jean Cocteau (1889-1963), en grande partie inédite, rassemble 450 pièces enrichies de documents et d'illustrations rares. Elle couvre la période qui va de 1915 jusqu'à la mort de Cocteau en 1963. La relation qui s'instaure entre les deux artistes est d'emblée dialectique : Picasso consolide chez Cocteau un vocabulaire nouveau, celui de l'avant-garde et de la modernité. Cocteau entraîne Picasso dans l'aventure des Ballets russes, l'initiant ainsi à l'esthétique somptueuse des arts du théâtre. Leur collaboration dans Parade (1917) se trouve à l'origine de l'une des plus belles périodes créatrices de l'oeuvre de Picasso, son «rappel à l'ordre» selon l'heureuse formule de Cocteau qui, lui, médite sur sa propre esthétique et sur sa propre éthique.
Édition de Pierre Caizergues et Ioannis Kontaxopoulos.
Le dialogue entre la poésie et la peinture apparaît comme l'une des voies les plus caractéristiques de l'art moderne. Et ce dialogue des formes s'accompagne souvent d'un dialogue des artistes eux-mêmes qui, pour reprendre le propos de Blaise Cendrars, vivaient «mélangés, avec probablement les mêmes soucis», au moins dans le Paris d'avant la Première Guerre mondiale. La publication de la correspondance entre Picasso et Apollinaire permet désormais de suivre, pour ainsi dire en direct, entre 1905 et 1918, le dialogue d'une amitié toujours exigeante, souvent complice, parfois blessée aussi, nouée entre les deux artistes. Éditée par Pierre Caizergues, spécialiste d'Apollinaire, et Hélène Seckel, conservateur au musée Picasso, cette correspondance inédite permet de nuancer l'image qu'on avait du peintre et du poète; elle informe sur leur cheminement esthétique et surtout elle projette une lumière neuve sur leurs rapports familiers, sur leurs projets communs ou séparés dont certains étaient restés ignorés jusqu'ici.