Dans ces douze cahiers, que Kafka qualifie parfois de Journal, observations de vie quotidienne, rêves, visions, fulgurations, réflexions et même dessins alternent avec de multiples débuts de récit, certains répétés comme s'il s'agissait de réchauffer un moteur narratif refroidi. Dans cette galaxie brille un seul récit achevé, Le Verdict, écrit d'une traite une nuit de 1912, devenu pour l'écrivain le modèle du bonheur de raconter.
Mille et une nuits d'écriture de notations et de récits qui mettent en scène les affres et les exaltations de celui qui dit de lui-même :
Finir prisonnier - ce serait un but dans la vie. Mais c'était une cage entourée d'une grille... comme s'il était chez lui le bruit du monde affluait et ressortait par la grille, en fait le prisonnier était libre, il pouvait avoir part à tout, rien au dehors ne lui échappait... il n'était même pas prisonnier.
Loin des sanctifications et des discordes, ces carnets nous font entrer avec Kafka au pays de l'écriture.
D. T.
800 pages,
Avec Nietzsche s'inaugure une philosophie nouvelle, centrée dorénavant sur le corps et la vie, qui appelle une nouvelle histoire de la philosophie. En parcourant les grandes étapes de cette histoire, Barbara Stiegler introduit le lecteur aux philosophies de Descartes, Kant, Schopenhauer, Hegel et Marx, ainsi qu'à quelques grandes figures de la philosophie contemporaine, proches ou héritières de cette nouvelle philosophie de la vie:William James, John Dewey, Bergson, Canguilhem et Foucault, sans oublier le contrepoint critique de la phénoménologie, de Husserl à Heidegger. Parce que le fil conducteur de cette nouvelle histoire suit la réalité concrète du corps et de la vie, son livre est aussi une introduction à l'histoire de la biologie, de la physiologie à la théorie de l'évolution, et jusqu'aux débats les plus brûlants de la biologie et des sciences médicales contemporaines. À la lumière de ce parcours, la philosophie de Nietzsche ne peut plus apparaître comme une météorite solitaire et fulgurante. Elle se situe bien plutôt au beau milieu d'un tournant:celui à partir duquel, sur fond de fin de la métaphysique et de crise des savoirs, le gouvernement de la vie et des vivants doit devenir l'affaire de tous, nous obligeant à repenser de fond en comble les notions de «réalité» et de «vérité» en même temps que la valeur des énoncés produits par la science.
Voici le jardin du philosophe. On y cueillera des fruits mûris sur le tronc de la sagesse commune et dorés à cette autre lumière des idées. Ils en reprennent leur saveur d'origine, qui est le goût de l'existence. Saveur oubliée en nos pensées ; car on voudrait s'assurer que l'existence est bonne et on ne le peut ; on en déçoit donc l'espérance par précaution, prononçant qu'elle est mauvaise. De là s'étend l'empire de l'imagination déréglée, en quoi Alain, se confiant à la sagesse du corps, restaure la souveraineté claire de l'homme heureux et qui n'attend pas pour l'être, ici et non ailleurs, que l'événement lui donne raison, acteur enfin et non spectateur de soi-même.
Que fait-on quand on regarde une peinture ? À quoi pense-t-on ? Qu'imagine-t-on ? Comment dire, comment se dire à soi-même ce que l'on voit ou devine ? Et comment l'historien d'art peut-il interpréter sérieusement ce qu'il voit un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout ?
En six courtes fictions narratives qui se présentent comme autant d'enquêtes sur des évidences du visible, de Velázquez à Titien, de Bruegel à Tintoret, Daniel Arasse propose des aventures du regard. Un seul point commun entre les tableaux envisagés : la peinture y révèle sa puissance en nous éblouissant, en démontrant que nous ne voyons rien de ce qu'elle nous montre. On n'y voit rien ! Mais ce rien, ce n'est pas rien.
Écrit par un des historiens d'art les plus brillants d'aujourd'hui, ce livre adopte un ton vif, libre et drôle pour aborder le savoir sans fin que la peinture nous délivre à travers les siècles.
Quand il commence Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche a déjà une importante oeuvre critique derrière lui. Ce travail d'examen des valeurs culturelles ne constitue cependant qu'un aspect de sa mission de philosophe. Il sait aussi qu'une oeuvre affirmative doit suivre. Ainsi naît la figure de Zarathoustra, double grandiose de son auteur, porte-parole des vertus qu'il entend exalter.
Livre « à part », comme son auteur le nomma lui-même. Livre où apparaissent pour la première fois des thèmes comme la volonté de puissance ou le surhomme. Ces idées, diversement comprises, et quelquefois à contresens, comptent au nombre de celles qui ont le plus fortement marqué la pensée de notre siècle.
La traduction française de L'intention d'Elizabeth Anscombe est un événement d'abord parce que le livre fut un événement pour la philosophie lors de sa parution, voici plus de quarante ans, en 1957. Il a été à l'origine de la «philosophie de l'action», l'une des branches de la philosophie analytique aujourd'hui la plus vigoureuse.L'intention renoue avec un problème à peu près oublié depuis Aristote:qu'est-ce que délibérer en vue d'une action? Qu'est-ce qui distingue ce mode de raisonnement pratique du raisonnement théorique ou déductif? Nos raisons sont-elles les causes de nos actions et, si elles ne sont pas des causes, quels sont leur statut et leur rôle? Mêlant l'analyse linguistique, conceptuelle et phénoménologique, l'ouvrage propose une élucidation de la structure logique de l'action intentionnelle dont l'originalité et la fécondité restent intactes.Elizabeth Anscombe (Gertrude Elizabeth Margaret, 1919-2001) est sans doute le plus grand philosophe britannique de la seconde moitié du XX? siècle. Élève et amie de Wittgenstein, elle fut l'un de ses exécuteurs littéraires. Elle est notamment l'auteur de la traduction en anglais des Recherches philosophiques qui a permis leur diffusion dans le monde anglo-saxon et qui fait autorité à l'égal du texte allemand.
Rédigé en 1941, alors que l'hitlérisme a contraint Stefan Zweig à émigrer au Brésil, Le Monde d'hier raconte une perte: celle d'un monde de sécurité et de stabilité apparentes, où chaque chose avait sa place dans un ordre culturel, politique et social qui paraissait de toute éternité.
Un monde austro-hongrois et une ville sans égale, Vienne, qu'engloutira le cataclysme de 1914.
Dans ce qui est l'un des plus grands livres-témoignages sur l'évolution de l'Europe de 1895 à 1941, Zweig retrace dans un va et vient constant la vie de la bourgeoisie juive éclairée, moderne, inétégrée et le destin de l'Europe jusqu'à son suicide, sous les coups de la montée du nationalisme, de l'antisémitisme, de la catastrophe de la Première guerre mondiale et de l'effondrement de l'empire austro-hongrois jusqu'au rattachement de Vienne au Reich nationalsocialiste.
Chemin faisant, le lecteur croise les amis de l'auteur: Schnitzler, Rilke, Romain Rolland, Freud, Verhaeren ou Valéry.
Ce tableau d'un demi-siècle de l'histoire de l'Europe résume le sens d'une vie, d'un engagement d'écrivain, d'un idéal d'une République de l'intelligence par dessus les frontières.
Dans un article paru en 1999 dans Le Débat, Nathalie Heinich proposait de considérer l'art contemporain comme un genre de l'art, différent de l'art moderne comme de l'art classique. Il s'agissait d'en bien marquer la spécificité - un jeu sur les frontières ontologiques de l'art - tout en accueillant la pluralité des définitions de l'art susceptibles de coexister. Quinze ans après, la «querelle de l'art contemporain» n'est pas éteinte, stimulée par l'explosion des prix, la spectacularisation des propositions et le soutien d'institutions renommées, comme l'illustrent les «installations» controversées à Versailles. Dans ce nouveau livre, l'auteur pousse le raisonnement à son terme:plus qu'un «genre» artistique, l'art contemporain fonctionne comme un nouveau paradigme, autrement dit «une structuration générale des conceptions admises à un moment du temps», un modèle inconscient qui formate le sens de la normalité. Nathalie Heinich peut dès lors scruter en sociologue les modalités de cette révolution artistique dans le fonctionnement interne du monde de l'art:critères d'acceptabilité, fabrication et circulation des oeuvres, statut des artistes, rôle des intermédiaires et des institutions... Une installation, une performance, une vidéo sont étrangères aux paradigmes classique comme moderne, faisant de l'art contemporain un objet de choix pour une investigation sociologique raisonnée, à distance aussi bien des discours de ses partisans que de ceux de ses détracteurs.
En 1984, un groupe d'habitants de Dallas contacte Ivan Illich pour l'interroger sur l'opportunité de créer un lac à l'emplacement d'un quartier central. Deux camps s'affrontent:les partisans rêvent d'un parc urbain avec un lac, qui serait aussi utilisé comme réservoir pour les eaux usées épurées; les opposants évoquent le gaspillage des deniers publics. Mais tous s'accordent sur la beauté de l'eau et sa vertu apaisante. Ivan Illich se rend sur place le temps d'une conférence:«Ce que je veux étudier, c'est l'historicité de la matière, le sens que l'imagination d'une époque donne à la toile sur laquelle elle peint ses imaginaires.»La symbolique de l'eau contient une puissance mythologique et son observation déclenche d'innombrables rêveries. Ivan Illich emprunte à l'histoire des villes, à celles des techniques, du corps et de la médecine, des religions, de quoi démontrer que la canalisation de l'eau, sa décantation, son traitement chimique ne suffisent pas à rendre la ville habitable. Habiter exige un rapport direct à la matière et non pas la simple «consommation» d'un «bien» rare, «géré» techniquement... L'eau exprime la vie, sa valeur n'a pas de prix.
Pourquoi les Cahiers de prison d'Antonio Gramsci sont-ils si souvent cités et pourtant toujours si peu lus? La cause est-elle à chercher dans leur caractère fragmenté et volumineux à la fois? Tient-elle à l'oubli des références qui sont celles de la culture de Gramsci? Se comprend-elle par le peu de connaissance que nous avons de la vie de cet intellectuel engagé dans les combats de son temps? S'explique-t-elle par un message philosophique et politique aujourd'hui moins audible? Peut-être... mais il semble avant tout que l'oeuvre majeure de Gramsci pâtisse de la surimposition des interprétations aux dépens de la lecture directe des textes.L'objectif de cette anthologie est de remédier à cette difficulté en permettant une saisie plus facile, plus immédiate et surtout la plus complète de la pensée gramscienne affranchie des gloses qui l'entourent et qui parfois la dénaturent ainsi que des réductions à quelques formules répétées à l'envi.
L'envers et l'endroit est le premier livre d'Albert Camus. Il paraît à Alger en 1937.
À la fin de sa vie, Camus verra dans cette oeuvre de jeunesse la source secrète qui a alimenté ou aurait dû alimenter tout ce qu'il a écrit. L'envers et l'endroit livre l'expérience, déjà riche, d'un garçon de vingt-deux ans : le quartier algérois de Belcourt et le misérable foyer familial dominé par une terrible grand-mère ; un voyage aux Baléares, et Prague, où le jeune homme se retrouve « la mort dans l'âme » ; et surtout, ce thème essentiel : « l'admirable silence d'une mère et l'effort d'un homme pour retrouver une justice ou un amour qui équilibre ce silence ».
Quatrième de couverture C'est d'abord à une radicale remise en question de la vérité que procède Nietzsche (1844-1900) dans Par-delà le bien et le mal (1886). Ce texte dune écriture étincelante, férocement critique, met en effet au jour, comme un problème majeur jusque-là occulté, inaperçu, celui de la valeur. Il y destitue les positions philosophiques passées et présentes (autant de croyances), et stigmatise, en les analysant un à un, l'ensemble des préjugés moraux qui sous-entendent notre civilisation. L'entreprise, pourtant, n'est pas uniquement négative : elle débouche sur l'annonce dans le prolongement d'Ainsi parlait Zarathoustra, de " nouveaux philosophes " - " philosophes d'un dangereux peut-être " qui devront désormais assumer l'inflexible hypothèse de la vie comme " volonté de puissance ".
Nous ne sommes pas remplaçables. L'État de droit n'est rien sans l'irremplaçabilité des individus. L'individu, si décrié, s'est souvent vu défini comme le responsable de l'atomisation de la chose publique, comme le contempteur des valeurs et des principes de l'État de droit. Pourtant, la démocratie n'est rien sans le maintien des sujets libres, rien sans l'engagement des individus, sans leur détermination à protéger sa durabilité. Ce n'est pas la normalisation - ni les individus piégés par elle - qui protège la démocratie. La protéger, en avoir déjà le désir et l'exigence, suppose que la notion d'individuation - et non d'individualisme - soit réinvestie par les individus. «Avoir le souci de l'État de droit, comme l'on a le souci de soi», est un enjeu tout aussi philosophique que politique. Dans un monde social où la passion pour le pouvoir prévaut comme s'il était l'autre nom du Réel, le défi d'une consolidation démocratique nous invite à dépasser la religion continuée qu'il demeure.
Après Les pathologies de la démocratie et La fin du courage, Cynthia Fleury poursuit sa réflexion sur l'irremplaçabilité de l'individu dans la régulation démocratique. Au croisement de la psychanalyse et de la philosophie politique, Les irremplaçables est un texte remarquable et plus que jamais nécessaire pour nous aider à penser les dysfonctionnements de la psyché individuelle et collective.
Ce livre, le dernier qu'ait écrit Winnicott, prend pour point de départ l'article, devenu classique, que l'auteur a consacré aux « objets transitionnels ». Il a pour fil conducteur une conception du jeu, par quoi il faut entendre une capacité de créer un espace intermédiaire entre le dehors et le dedans, capacité qui ne s'accomplit pas dans les jeux réglés, agencés comme des fantasmes ou des rituels, mais qui se situe à l'origine de l'expérience culturelle. Il énonce enfin une théorie des lieux psychiques - une nouvelle topique - dont nous commençons à apercevoir l'originalité, par rapport aussi bien à Freud qu'à Mélanie Klein. La consultation thérapeutique et l'enfant montrait sur le vif comment opérait Winnicott, dans l'actualité de la relation. Nous découvrons, avec ce livre-ci, comment une théorie psychanalytique - cet objet transitionnel dont nous ne saurions nous passer - s'invente, se cherche et se trouve. Ce n'est pas seulement notre intelligence du discours mais notre perception du réel, de nous-même et de l'autre, qui se voient alors renouvelées.
« Je crois à la résolution future de ces deux états, en apparence si contradictoires, que sont le rêve et la réalité, en une sorte de réalité absolue, de surréalité, si l'on peut ainsi dire. C'est à sa conquête que je vais, certain de n'y pas parvenir mais trop insoucieux de ma mort pour ne pas supputer un peu les joies d'une telle possession. » Des projets et des promesses du premier Manifeste du surréalisme (1924) aux prises de position, politiques et polémiques, affirmées dans le Second Manifeste du surréalisme (1930), se dessine ici une théorie de l'expérience esthétique qui a bouleversé tous les domaines de la création au XXe siècle.
Sartre écrit, dans Plaidoyer pour les intellectuels, que l'intellectuel est perçu comme celui qui se mêle de ce qui ne le regarde pas, quand Beauvoir - cela saute aux yeux - se mêle de ce qui la regarde, dans ses livres sur le Deuxième Sexe et sur la Vieillesse. Depuis quelques décennies, la question sexe/genre a réussi à s'imposer comme problème théorique, et par conséquent comme champ de recherche, lieu d'explorations, de théories. Mais aucune position de surplomb n'est enore possible parce que l'objet de pensée échappe sans cesse à la sérénité académique, parce que le sujet de pensée doit défendre encore sa légitimité scientifique. Comment penser l'égalité des sexes ? Être un « être de raison » fut contesté au sexe féminin depuis Fénelon et la fin du xvii e siècle. Face à cette exclusion de la pensée, Geneviève Fraisse s'est construite en résistance à une ritournelle négative. La philosophie est le bastion le plus solide, parce que le plus symbolique, d'une suprématie masculine. On reconnaît plus facilement l'historienne que la philosophe, et à travers le parcours de l'autrice, c'est celui de toute une génération qu'on saisit. Le féminisme qui ressurgit au lendemain de mai 68, persuadé d'inventer l'Histoire, reprend un fil déjà ancien, celui du « nous » les femmes de 1830, saint-simoniennes, qui inaugure une dynamique d'émancipation féministe qui va jusqu'à #metoo. Notre xxi e siècle parle du corps politique, collectif, impensé du contrat social et de nos démocraties. C'est un pas de plus dans la représentation de ce qui a bloqué l'émancipation des femmes, donc l'égalité des sexes.
Aux origines des sciences humaines s'intéresse à l'histoire des idées et aux hommes qui les ont portées, incarnées et défendues tout au long des XIX? et XX? siècles. Les sciences du langage, la psychologie, les mathématiques et la logique, la philosophie sont au centre d'une analyse interdisciplinaire qui éclaire les échanges, les emprunts et les influences entre ces disciplines naissantes, toutes préoccupées de la nature de l'esprit humain, des langues et des cultures.Sur la toile de fond des changements politiques, économiques et sociaux formidables qui se produisent de 1840 à 1940 se déploie une autre histoire, intellectuelle et conceptuelle, où se forgent la conception moderne de l'homme et bientôt les sciences humaines et sociales. Si la linguistique est au centre de cette enquête, c'est parce que, plus qu'aucune autre, elle a reçu la fertilisation croisée de toutes les sciences de l'homme. La vieille philologie et la vieille grammaire en sont sorties totalement bouleversées et une science nouvelle, la science du langage, est apparue. Ce livre est l'histoire de celles et ceux qui, dans un débat passionné tissé de continuités déniées et de ruptures proclamées, ont fait advenir ce bouleversement et de ceux qui les ont influencés et ont nourri leur réflexion.
Celui qui ne verrait dans Le théâtre et son double qu'un traité inspiré montrant comment rénover le théâtre - bien qu'il y ait sans nul doute contribué -, celui-là se méprendrait étrangement. C'est qu'Antonin Artaud, quand il nous parle du théâtre, nous parle surtout de la vie, nous amène à réviser nos conceptions figées de l'existence, à retrouver une culture sans limitation. Le théâtre et son double est une oeuvre magique comme le théâtre dont elle rêve, vibrante comme le corps du véritable acteur, haletante comme la vie même dans un jaillissement toujours recommencé de poésie.
L'imagination est-elle une faculté créatrice donnant naissance à un monde réel et non à un monde irréel ? Quelle est la nature de ce monde auquel l'imagination donne accès ? Est-il un monde intelligible, un monde sensible ou un monde imaginal, soit un intermonde des formes imaginales ? C'est quand l'imagination devient principe de réalité et d'événement que l'âme quitte son exil occidental pour accomplir son "lever" oriental.
On approche alors d'un monde imaginal, situé entre sensible et intelligible, entre spiritualité et corporalité. L'Orient et l'Occident s'absentent alors de la géographie pour devenir les pôles métaphysiques de la pensée. Le souci de l'autre (qu'il manifeste le réel, dieu, ou le prochain) est indissociable d'une herméneutique permanente posant la distance (intellectuelle ou éthique) au coeur de son intrigue significative.
L'un, grâce à l'interprétation imaginale (écriture et lecture du texte), découvre le sens de son humanité et le secret de sa subjectivité.
Le mouvement féministe a produit bien plus qu'une dynamique d'égalisation des conditions féminine et masculine. Il a contribué, montre Camille Froidevaux-Metterie, à réorganiser en profondeur notre monde commun, à la faveur d'un processus toujours en cours qui voit les rôles familiaux et les fonctions sociales se désexualiser. Par-delà les obstacles qui empêchent de conclure à une rigoureuse égalité des sexes, il faut ainsi repérer que nous sommes en train de vivre une véritable mutation à l'échelle de l'histoire humaine. Plus d'attributions sexuées ni de partage hiérarchisée des tâches : dans nos sociétés occidentales, la convergence des genres est en marche. La similitude de destin des hommes et des femmes ne renvoie pourtant à aucune homogénéisation. Dans un monde devenu mixte de part en part, les individus se trouvent plus que jamais requis de se définir en tant qu'homme ou en tant que femme. Or ils ne peuvent le faire sans prendre en considération la sexuation des corps. S'évertuer à la nier, comme le fait un certain féminisme, c'est heurter de plein fouet cette donnée nouvelle qui veut que la maîtrise de sa singularité sexuée soit la marque même de la subjectivité. L'auteure entreprend ainsi de réévaluer la corporéité féminine pour en faire le vecteur d'une expérience inédite englobant l'impératif universaliste des droits individuels et l'irréductible incarnation de toute existence. Le sujet féminin contemporain se révèle alors être le modèle d'une nouvelle condition humaine.
L'errance et le rire ont profondément marqué le monde créole des Antilles:le bateau à la merci des intempéries, l'incertitude, la drive, mais aussi la découverte et le dépassement de toutes sortes de limites, ainsi que le rire comme force de vie, réaction de désespoir et de révolte, ou ruse des contes populaires, sont autant d'éléments de cette thématique.Mais que dire aujourd'hui du rire dans un monde créole globalisé, éparpillé entre différents continents, dans cette vie tissée par de nouvelles formes d'errance? Quelle sorte de rire y prévaut:le rire joyeux, le rire jaune?Pris dans une dialectique fragile et multiforme entre l'errance et le rire, les textes de ce collectif d'auteurs, qu'ils soient guadeloupéens, haïtiens ou martiniquais, témoignent de la richesse de ce renouveau de la littérature antillaise. Ils sont ponctués d'un regard venu d'ailleurs - en l'occurrence d'Algérie - pour un au-delà de la perspective caribéenne.Contributions de Mélissa Béralus, Mérine Céco, Raphaël Confiant, Louis-Philippe Dalembert, Jean D'Amérique, Miguel Duplan, Frankito, Gaël Octavia, Néhémy Pierre-Dahomey, Gisèle Pineau, Hector Poullet, Christian Séranot, Lyonel Trouillot, Gary Victor. Postface de Kaouther Adimi.
« À première vue, ce problème de la valeur de la pitié et de la morale de la pitié semble n'être qu'une question isolée, un point d'interrogation à part ; mais à celui qui s'arrêtera ici, qui apprendra à interroger ici, il arrivera ce qui m'est arrivé : une perspective nouvelle et immense s'ouvrira devant lui, la foi en la morale, en toute morale s'en trouvera ébranlée - enfin une nouvelle exigence se fera entendre. Nous avons besoin d'une critique des valeurs morales, il faut commencer par mettre en question la valeur même de ces valeurs, et cela suppose une connaissance telle qu'il n'en a pas existé jusqu'à présent et telle qu'on ne l'a même pas souhaitée. » Friedrich Nietzsche.
Résultat d'un travail collectif effectué par dix universitaires françaises et américaines pendant plusieurs années de recherches, cet ouvrage constitue le premier panorama à peu près complet des oeuvres de femmes en littérature, du moyen âge au XXIe siècle, en France et dans les pays francophones. Un tel panorama n'existait pas, les recherches dans ce domaine, aujourd'hui nombreuses en France comme à l'étranger, étant généralement ponctuelles et parcellaires, les quelques ouvrages sur le sujet anciens, et sensiblement moins ambitieux. Outil indispensable à la compréhension de la littérature pratiquée par les femmes et au rôle spécifique qu'elles y ont tenu au fil des siècles, les autrices se sont fixées pour objectifs de dresser l'inventaire des oeuvres publiées dans tous les genres existants (les découvertes dans ce domaine sont nombreuses : dès le moyen âge, c'est par dizaines qu'on compte les oeuvres de femmes en langue vernaculaire) ; accompagner les oeuvres de considérations d'ordre culturel (notamment sur l'histoire du livre et de l'édition) ; replacer ces productions non seulement dans l'histoire littéraire et l'histoire des femmes, mais aussi dans l'histoire des idées ; comprendre enfin la nature des difficultés spécifiques rencontrées par les autrices pendant des siècles et les raisons de leur oubli quasi général aujourd'hui, malgré les tentatives de redécouvertes opérées dans les années 1970. Pour la première fois, la présence continue de femmes en littérature pendant dix siècles, qui constitue l'une des singularités de la culture française, est illustrée par un nombre d'oeuvres aussi important que varié. L'ouvrage rend compte non seulement des productions dans les genres littéraires canoniques (poésie, théâtre, roman - et, compte tenu du nombre toujours croissant de publications, se limite à ce seul genre à partir de 1914) mais aussi l'essai, la correspondance, le journal et l'autobiographie, le journalisme (à partir de la fin du XVIIe siècle), la littérature populaire et la littérature pour enfants ; la participation active des femmes à la vie littéraire de leur temps, leur présence dans les cours et couvents, les salons, cercles, groupes, réseaux et académies, est dûment répertoriée et le fonctionnement de ces formes spécifiques de sociabilité littéraire analysé. Cette synthèse invite à une réévaluation générale des oeuvres littéraires des hommes et des femmes, et à une autre appréhension de la littérature française et francophone, offrant un portrait plus juste d'une réalité où, pendant des siècles et jusqu'à aujourd'hui, hommes et femmes, ensemble et séparément, semblablement et différemment, n'ont pas cessé de créer, d'imaginer et de publier.
Dans le bocage, être ensorcelé c'est être pris dans la répétition de malheurs qui atteignent gravement les personnes et les biens d'un ménage.
N'importe quoi peut se produire dans cette escalade mortelle dont les victimes attribuent l'initiative à un sorcier. seul un désorceleur a le pouvoir de vaincre l'agresseur, en lui livrant un combat magique. etre pris dans les sorts, dans la mort, dans les mots qui nouent le sort ou qui le détournent, c'est tout un.