Nicolas Brusadelli et Yannick Martel s'intéressent aux luttes qui animent aujourd'hui le « mouvement climat », à partir d'une enquête sur la construction du mouvement « Alternatiba ». Tout en appréhendant les différences de labélisation du « politique » du point de vue des acteurs, ils tentent aussi d'analyser les stratégies concrètes, d'affiliation ou de mise à distance, déployées en direction du champ politique.
Fabien Desage, Clément Barbier, Antonio Delfini éclairent l'inscription localisée et historiquement ancrée des transformations du capitalisme, en s'intéressant à l'émergence d'un marché de la promotion immobilière dans l'agglomération lilloise, au tout début des années 1960. Loin d'être la conséquence mécanique de processus externes, celle-ci apparaît largement dépendante des investissements précoces de grands industriels locaux ou de leurs héritiers, mais aussi des reconfigurations de l'action publique locale.
W. E. B Dubois a publié en 1920, à New York, l'ouvrage Darkwater: Voices from Within the Veil. Le chapitre «The Souls of White Folk» (« Les âmes du peuple blanc ») est traduit dans la revue pour la première fois. Nicolas Martin-Breteau analyse ce chapitre et montre que l'imposition d'un régime de « suprématie blanche » dans le monde ne constitue pas une « aberration » au regard des valeurs défendues par l'Europe, mais qu'il est l'aboutissement logique de la construction des États-nations occidentaux.
Depuis la fin des années 1990, les entreprises ont développé des formes internalisées d'action « éthique ». D'abord promues à travers la reconnaissance et la prise en charge d'une « responsabilité sociale des entreprises » (RSE) en matière de conditions de travail de leurs sous-traitants ou d'interventions sur des questions de société, ces formes d'action se sont ensuite diversifiées. Les années 2000 et suivantes ont en effet vu se multiplier les politiques d'égalité professionnelle, de diversité, de mécénat de compétences, de bénévolat d'entreprise ou d'intégration des enjeux environnementaux. Ce sont finalement autant d'objectifs éthiques qui ont été intégrés au management des firmes et se sont vus pris en charge par des dispositifs de gestion cherchant à les contrôler, les mesurer, les optimiser, les afficher. La particularité de ce management de l'éthique est d'incorporer la morale dans le modèle économique des entreprises, tout en continuant à revendiquer la recherche de profit.
Ce numéro interroge les dispositifs qui font exister cette équivalence entre morale et profit, en partant de celles et ceux qui les mettent en oeuvre : s'agit-il, pour ces professionnels, de « moraliser » le capitalisme, de capitaliser sur la morale ou d'articuler - et dans quelles conditions - recherche du profit et quête de la vertu ?
Les articles rassemblés montrent le travail effectué par ces travailleurs et travailleuses de la vertu, aux propriétés sociales particulières, pour faire tenir ensemble des éthiques opposées, dont l'équivalence n'est pas donnée. Ils permettent également de comprendre comment cette évolution du capitalisme contribue à transformer les causes morales que celui-ci endosse.
Ce numéro propose un renouvellement de la sociologie du travail et des professions. Il repose sur deux arguments majeurs : d'une part, il fait sociologiquement peu de sens de séparer l'analyse du travail - en tant que type de pratiques -, de celle des ensembles organisés que sont les professions. D'autre part, les travailleurs et travailleuses étant également des agent.e.s inscrit.e.s au sein du macrocosme social, leurs positions et pratiques doivent être replacées dans des rapports sociaux qui dépassent leurs espaces professionnels.
Les articles réunis dans ce numéro montrent que la matrice théorique de Bourdieu permet de repenser des concepts phares comme celui d'autonomie professionnelle, en inscrivant la réflexion dans celle, plus large, de la différenciation sociale, tout en étant attentif aux trajectoires sociales comme professionnelles des individus.
Ce retour à une sociologie générale permet ainsi de mettre en lumière ce qui se joue au sein des espaces professionnels comme ce qui, alentour, participe à en déterminer la structuration, les enjeux, et les divisions. La puissance heuristique d'une telle approche tient au fait qu'elle permet de rendre compte de la relation entre les structures mentales des travailleurs et travailleuses - leurs dispositions professionnelles -, et la structuration de leurs espaces professionnels.
À l'heure où paraissent ces « cahiers », trois mois sont passés depuis que la pandémie mondiale du Covid-19 s'est imposée à nous, trois mois que le monde entier a basculé dans un état de crise dont on ne voit pas l'issue et dont on ne mesure pas les effets sur les sociétés qu'il a frappées.
Aux premières heures du confinement, des sentiments nombreux et contradictoires nous ont toutes et tous traversés : de la sidération à l'angoisse, de la tristesse à la colère... Et puis, très vite, les questions se sont bousculées dans nos têtes : que s'est-il donc passé ? Mais que nous arrive-t-il ? Quelles conséquences cet événement aura-t-il sur le monde et sur nos existences ? Et quelles leçons en tirer ? Il faut dire que, pour beaucoup d'entre nous, la vision d'un monde littéralement arrêté a soudain rendu évidentes, presque sensibles, les contradictions insoutenables dans lesquelles ce monde se trouvait pris depuis trop longtemps. Et si cette catastrophe était l'occasion d'empêcher qu'il retrouve sa trajectoire catastrophique antérieure ?
Comme le disait magnifiquement un graffiti repéré sur un mur de Hong Kong, « we can't return to normal, because the normal that we had was precisely the problem». Autrement dit, serons-nous capables de saisir cet événement, à la fois le comprendre et nous en emparer, afin d'imaginer et construire le monde que nous voulons, le monde dont nous rêvons ?
Ces « cahiers » ne pouvaient être que collectifs, au sens fort, parce que issus d'une volonté partagée par les éditeurs et auteurs de la maison de faire sens face à l'événement. S'y engage une conception du travail intellectuel et du débat public comme espace de confrontation argumentée. Ils accueillent des textes de pensée offrant des perspectives et des analyses fortes, mais aussi des textes et propositions littéraires qui font résonner notre époque dans des formes et des formats singuliers, ainsi que des interventions graphiques. Cette crise bouleverse les cadres de pensée et d'interprétations, elle met à l'épreuve bien des certitudes et des convictions, ce qui imposait d'ouvrir un espace original de dialogue, où trouvent à s'exprimer des sensibilités intellectuelles diverses, où peuvent s'ordonner la confrontation des points de vue, les divergences de fond, les incertitudes et les interrogations.
Les catastrophes s'enchaînent, les crises se suivent, les désastres ne se comptent plus. Et un consensus semble s'imposer : il faut changer, bifurquer pendant qu'il est encore temps, emprunter la voie de sortie.
Mais où est-elle, cette issue ? Alors que les derniers mois ont rétréci notre espace physique et diminué notre espace critique, comment retrouver de l'air, du rêve, de la capacité d'action ? Sur quoi faut-il agir ? A quelle échelle et sur quel mode ? Allons-nous laisser passer l'occasion de tout transformer ?
Le Seuil tente, avec cette deuxième livraison des Cahiers éphémères et irréguliers, de nourrir ces interrogations bien légitimes en offrant plus d'une vingtaine de textes, d'entretiens et de dialogues qui à la fois décrivent exactement où nous en sommes et croisent les points de vue (parfois aussi le fer).
Rutger Bregman s'y demande comment profiter de cette crise pour renverser la situation. Pierre Rosanvallon nous invite à inventer de nouveaux outils démocratiques pour faire face à la multiplication des états d'urgence. Aurélie Trouvé débat avec Laurent Jeanpierre et Razmig Keucheyan des stratégies possibles pour sortir du libéralisme. Tandis qu'Arlette Farge ouvre la voie à la littérature en rappelant notre fragilité, Michaël Foessel rappelle que l'infantilisation actuelle n'est qu'une interprétation inepte de ce qu'est la véritable puissance de l'enfance. Emanuele Coccia et Mathieu Potte-Bonneville réfléchissent à la place que nous voulons vraiment donner aux non-humains, interrogation qui a des échos dans les textes des écrivains Benjamin Labatut et Kapka Kassabova.
On ne changera rien sans horizon, ouvrons-le, ouvrons les cahiers !
Depuis plusieurs années, on voit se multiplier des publications, des documentaires, des reportages télévisés faisant état des recherches sur les interactions complexes et fascinantes qui se déploient dans le monde des vivants en le structurant. Ainsi apparaît un univers fait d'interdépendances où l'importance des relations semble prévaloir sur celle des organismes isolés, où la prise en compte des notions de milieu, d'environnement s'avère prioritaire. Un univers où les idées d'interrelation, de maillage, seraient plus pertinentes que celles qui isolent, distinguent, dissèquent.
Derrière ce monde, où la coopération prévaudrait, certains voient se dessiner des perspectives alternatives à celui où domine la compétition. D'autres, ou les mêmes, y trouvent une réponse aux inquiétudes écologiques croissantes. Conviendrait-il donc de suivre la nature, de s'en inspirer ? Faudrait-il se réconcilier avec l'ensemble des vivants de la Terre ?
De l'interpellation épistémologique à la légitimation militante, ce numéro interroge quelques aspects clés des interactions à l'oeuvre dans le monde des vivants.
Qu'est-ce, au jour le jour, qu'être un juge « indépendant » ? Vit - on sous le « gouvernement des juges » ? La justice est-elle « instrumentalisée », « politisée », « laxiste » ? Afin de sortir des idées reçues, Pouvoirs se donne pour mission de questionner à nouveaux frais certaines notions qui ne cessent de perturber le débat public. Contribue notamment à ce numéro : Nicole Belloubet, précédente garde des Sceaux.
Pouvoirs renouvelle l'étude des clivages politiques, décryptant par là même le jeu des forces en présence à l'élection présidentielle française de 2022. D'abord en apportant un éclairage inédit sur l'histoire de la traditionnelle partition gauche-droite, pour déterminer ce qu'il en reste. Puis en analysant les lignes de fracture au sein des partis de gouvernement, traversés, en France comme à l'étranger, par trois oppositions structurelles naissantes. Enfin en se demandant si les radicalités actuelles (gilets jaunes, mouvements altermondialistes, zad et autre Nuit debout) préfigurent les clivages de demain. Ou si, en réalité, ce ne sont pas plutôt les nouveaux vecteurs, réseaux sociaux en tête, qui créent le phénomène le plus disruptif : des clivages en perpétuelle recomposition, contraignant le politique à sans cesse faire mouvement.
Découvrez une présentation du n°152 de la revue Pouvoirs par Marc Guillaume, codirecteur de la publication, Gilles Kepel professeur à Sciences Po, et Alexandre Kazerouni, docteur associé au CERI en cliquant ici : https://www.youtube.com/watch?v=XULm5O1khUE&feature=youtu.be GILLES KEPEL Le noud gordien des états arabes du Golfe FATIHA DAZI-HÉNI La résilience des monarchies du Golfe dans un monde arabe en plein tumulte STÉPHANE LACROIX l'Arabie saoudite : un magistère sur l'islam contesté CÉCILE MAISONNEUVE et MAÏTÉ DE BONCOURT Révolution énergétique, révolutions politiques ?
STEFFEN HERTOG Retour aux années 1970 ? la jeunesse du Golfe et les économies de la rente après le Printemps arabe ALEXANDRE KAZEROUNI : Musées et soft power dans le golfe Persique ÉRIC MINNEGHEER : Justice et libertés dans les émirats et monarchies du Golfe DENIS BAUCHARD : La France et les émirats et monarchies du Golfe Un partenariat d'intérêt mutuel MOHAMED-ALI ADRAOUI : Du Golfe aux banlieues ? Variations sur le thème de « l'islamisation de l'occident » SULTAN SOOUD AL-QASSEMI et MAHMOOD SARIOLGHALAM : Le golfe vu des Émirats arabes unis et de l'Iran. Entretiens avec Gilles Kepel JACQUES LERUEZ : Lettre d'Édimbourg. Le référendum du 18 septembre 2014 en Écosse : l'échec d'un long processus PIERRE ASTIÉ, DOMINIQUE BREILLAT et CÉLINE LAGEOT : Repères étrangers (1er juillet - 30 septembre 2014) PIERRE AVRIL et JEAN GICQUEL : Chronique constitutionnelle française (1er juillet - 30 septembre 2014) Summaries
En France, du début des années 1980 jusqu'au début des années 1990, dans un contexte socio-politique fortement marqué par l'évidence du problème que constituerait la migration postcoloniale, et en particulier algérienne, des récits littéraires apparaissent sur la scène publique et sont qualifiés de « beur » par les élites éditoriales et médiatiques, sans que leurs auteurs ne revendiquent ce terme. Ainsi, le présent article cherche à identifier et analyser les pratiques professionnelles, symboliques et matérielles, à l'origine d'une forme lettrée d'assignation sociale. Pour cela, nous recourons au concept d'identification - entendu comme toute action sociale où l'attribution identitaire est extérieure et s'exerce sur un individu, dans le cadre d'une institution sociale - et mettons en évidence la prégnance, au fondement de ladite classification littéraire, de rapports de classe articulés à des catégories fondées sur l'origine, susceptibles de perpétuer des modes de pensée essentialistes.
Innombrables ont été les diverses formes d'antijudaïsme qui ont pu alimenter les fictions savantes véhiculées par les théologiens et les philosophes.
L'Europe est dotée d'une histoire dynamique et plurielle, passant régulièrement de la commémoration à l'amnésie. Il n'est donc pas étrange de voir combien varient les récits de sa fondation décrivant les relations de parenté entre judaïsme et christianisme. On a pu ainsi, entre ignorance et exaltation ambiguë, attribuer au « peuple juif » des rôles et des fonctions répondant aux nécessités du moment.
Dans ce numéro double du Genre humain,le choix a été fait de privilégier les réflexions sur l'antijudaïsme ou le philojudaïsme qui font partie de la théologie et de la philosophie européennes.
Antijudaïsme, philosophie, théologie : les trois thèmes qui composent le titre de ce volume en cachent un quatrième, l'antisémitisme. Car, comme l'écrit Jean-Luc Nancy, le mot « antijudaïsme [...] semble destiné à limiter les dégâts en prétendant qu'il s'agit d'une opposition à la religion juive, et non au peuple. Le problème est qu'on ne sépare pas aussi facilement les deux, même lorsqu'il s'agit de Juifs sortis entièrement de la religion. [...] Quoi qu'il en soit, l'antisémitisme n'a été qu'un mot pour baptiser - si j'ose ironiser - ce qu'était depuis longtemps l'hostilité chrétienne envers les Juifs. »
Quatre phénomènes sociaux et politiques majeurs ont précédé la chute d'Abdelaziz Bouteflika, en avril 2019 : la délégitimation de la politique traditionnelle, la marginalisation de la société civile, la paralysie des processus informels de décision politique et la transformation de la politique contestataire. Pris ensemble, ces phénomènes ont contribué a` creuser les divisions entre l'appareil d'Etat et les acteurs sociaux, que le mouvement de protestation de masse qui avait vu le jour deux mois plus tôt a transformés en rupture historique. Le Hirak a ainsi mis fin au modèle d'organisation des rapports entre l'Etat et la société qui, en dépit de ses nombreux échecs, avait permis de sortir l'Algérie de la guerre civile, et ouvert la voie a` l'émergence d'un nouveau régime politique.
La Ve République et les partis Pascal Jan.
Raisons et évolution du rejet des partis Nicolas Sauger.
L'épreuve du pouvoir est-elle vouée à être fatale au parti socialiste ? Retour sur le quinquennat de François Hollande Frédéric Sawicki.
Les partis politiques et l'outil numérique Michaël Bardin.
Modes de scrutin et système de partis Bernard Dolez et Annie Laurent.
La crise du militantisme Julien Fretel.
L'argent et les partis Romain Rambaud.
La démocratie partisane à l'épreuve des primaires Éric Treille.
La fin de la discipline partisane Dorothée Reignier.
L'étude des partis politiques : entre permanence et renouveau Carole Bachelot.
Chroniques.
L'action du ge´ne´ral de Gaulle est de´termine´e par une certitude et porte´e par une conviction. La certitude, c'est que les E´tats nationaux sont, en dernier ressort, les acteurs inde´passables de la vie internationale et qu'ils sont par essence inalte´rables, inse´cables et indissolubles. La conviction, c'est que la France a, dans ce concert des nations, vocation a` jouer les premiers ro^les et a` retrouver par le verbe et par l'exemple la position he´ge´monique qu'elle a accidentellement perdue il y a deux sie`cles. La combinaison de cette rigidite´ et de cette chime`re a fini par enfermer dans une impasse la de´marche he´roi¨que du fondateur de la France libre.
Comment les rêves s'échangent-ils et se partagent-ils ? À partir d'études de cas et d'enquêtes, les anthropologues, les sociologues, les psychanalystes, les historien(ne)s, les philosophes, les spécialistes de littérature qui ont contribué à ce recueil décrivent et analysent des circulations de récits, d'interprétations, d'images, de collections, de croyances, de discours savants, caractéristiques de certains mondes oniriques d'ici, d'autrefois ou d'ailleurs.
Depuis une dizaine d'années, la montée en puissance du thème des « inégalités sociales et territoriales de santé » est repérable à la fois dans l'action publique et dans la recherche en sciences sociales. Paradoxalement, les inégalités de santé et les pratiques discriminatoires sont pourtant rarement réfléchies en termes de rapports de domination entre classes sociales, et a fortiori dans leur articulation avec d'autres rapports de domination (de sexe, de race, d'âge notamment). Si l'épidémie de Covid-19 a pu être analysée comme une « épidémie de classe » et, plus timidement, comme un révélateur des inégalités raciales, les questions de santé restent rarement lues sous cet angle, y compris lors des crises sanitaires majeures des dernières années.
Ce numéro poursuit l'analyse des logiques de production et de reproduction des inégalités et de cumul des discriminations en matière de santé à l'aune de ces rapports de pouvoir, déjà explorée dans le n° 236-237 d'avril dernier. Dans ce numéro-ci, on mobilise des enquêtes portant sur le traitement des patient.e.s dit.e.s « roms » par la médecine urgentiste, la santé des travailleur.se.s des « très petites entreprises » et enfin la critique du pouvoir médical dans les pratiques et politiques de santé en banlieue parisienne populaire. Pour cela, les autrices mobilisent la sociologie des rapports sociaux, la sociologie du travail et la sociologie de l'action publique. À l'heure où l'épidémie de Covid-19 voit se multiplier, dans des proportions comparables à ce qu'avait produit l'épidémie de sida, les recherches incluant les sciences sociales à titre de supplément d'âme de la recherche biomédicale, ce dossier renverse la perspective et fait de la santé un objet de sociologie critique.
Le racisme n'est pas une idéologie spontanée, née de l'ignorance. Il est le produit de débats et de travaux scientifiques qui ont fleuri principalement en France, en Grande-Bretagne et en Allemagne dans le dernier quart du xixe siècle. Quant aux idéologies coloniales, elles ont été les réceptacles d'une théorisation sauvage de la notion de race qui considérait les peuples colonisés et leurs cultures comme relevant de races inférieures.
À la vieille conception chrétienne postulant le monogénisme de l'humanité, créée par Dieu à son image... et donc blanche à l'origine, s'est substituée au xviiie siècle l'idée d'une dégénérescence de certains rameaux de la race blanche qui auraient donné les autres races. C'est ce que pensait encore Buffon. Cette thèse a été ruinée par le darwinisme qui a mis en évidence les liens originels de l'espèce humaine avec les singes supérieurs. Elle a été également contredite au xxe siècle par les découvertes de restes hominiens en Afrique subsaharienne très antérieurs aux plus anciens squelettes humains trouvés en Europe.
Le développement de la génétique humaine et plus particulièrement la découverte de l'ADN ont montré que la transmission héréditaire des caractères physiques obéit à des mécanismes trop complexes et trop aléatoires pour donner plus de visibilité à la reproduction de traits communs qu'aux formes de différenciation et d'individualisation.